Pour une histoire spécifique et globale de l’émergence du capitalisme
L’histoire de l’émergence du capitalisme est une histoire lourde d’enjeux politiques : s’il a toujours existé, qu’il n’est qu’une prolongation d’un penchant de l’homo oeconomicus aux échanges, qu’il a émergé pacifiquement dans toute l’Europe occidentale à partir du Moyen Âge et/ou qu’il n’a jamais eu aucun lien avec des oppressions comme celles du patriarcat, du racisme, de l’esclavage, du colonialisme, de l’exploitation des milieux naturels et de l’État, alors comment ne pas en conclure qu’il n’y a pas de sortie possible du capitalisme ? Et si, au contraire, il avait émergé violemment, en rupture avec l’histoire des sociétés humaines, mais aussi – c’est l’objet de cette émission – de manière globale, en articulation avec ces formes d’oppression ? Il s’agit désormais de combiner une histoire de l’essor spécifique du capitalisme, issue du « marxisme politique », et une histoire de son expansion impériale et de son interconnexion avec des sociétés non-capitalistes, issue de « l’histoire globale », en dépassant de ce fait leurs limites respectives – avec Benjamin, étudiant en sciences sociales, « bricoleur » de théorie critique, engagé dans de nombreuses luttes sociales.
Avec une présentation des enjeux politiques d’une histoire spécifique et globale de l’émergence du capitalisme (dénaturalisation de celui-ci, démonstration de son caractère violent, articulation du capitalisme et des autres formes d’oppressions globales).
Avec une critique du récit smithien de l’essor du capitalisme comme levée progressive des obstacles à une tendance naturelle de l’espèce humaine aux échanges marchands.
Avec un récit de l’émergence spécifique du capitalisme, défini comme société de dépendance généralisée au salariat et à un Marché concurrentiel, en Angleterre. Avec une critique des limites de l’anglocentrisme du marxisme politique, incapable de penser l’importance de l’esclavage du Sud des Etats-Unis ou des textiles indiens dans l’industrialisation capitaliste de l’Angleterre [1ère partie, 40 minutes]
Avec une discussion critique des apports (concepts de centres et de périphéries, complémentarité du salariat occidental et de l’esclavage américain) et des limites (usage abusif du concept de système-monde, transatlantico-centrisme, globalisation transhistorique, reprise du grand récit smithien, et jusqu’à une négation des spécificités historiques du capitalisme et des différences entre sociétés, une apologie du capitalisme polycentrique ou un sino-centrisme) de l’approche en termes de systèmes-monde (Wallerstein, Arrighi, Gunder Frank, Goody, Mielants).
Avec une discussion critique des apports (critique de l’idée d’une Chine et d’une Inde « retardataires », concurrence des textiles indiens comme moteur de l’industrialisation anglaise, réhabilitation du caractère dynamique des sociétés non-capitalistes et/ou non-européennes) et des limites (déterminisme écologique, pas de prise en compte des dynamiques socio-économiques divergentes de l’Angleterre vis-à-vis du reste du monde à partir du XVIème siècle, Eurocentrisme par une universalisation abusive du capitalisme anglais) de l’approche en termes de « Grande Divergence » (Pomeranz, Parthasarathi).
Avec, enfin, une discussion critique des apports (combinaison d’une conception spécifique du capitalisme et d’une considération des connexions du capitalisme avec d’autres formes d’oppression globales et des sociétés non-capitalistes, critique de l’idée normative d’un « modèle standard » de développement, critique d’une histoire téléologique) et des limites (définition un peu trop large du capitalisme) d’une théorie du développement inégal et combiné du capitalisme [2ème partie, 50 minutes]
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