Matthieu Auzanneau – Or noir. La grande histoire du pétrole
Matthieu Auzanneau, Or noir. La grande histoire du pétrole, Paris, La Découverte, 2016
L’ouvrage du journaliste Matthieu Auzanneau, auteur du blog « Oil Man, chroniques du début de la fin du pétrole », publié par Le Monde depuis 2010, se lit comme un roman, comme une histoire journalistique fourmillant de détails, jalonnée de révélations et de scandales, et s’achevant sur un intéressant tableau du pétrole aujourd’hui et ses prospectives (Chapitre 30). On recommandera particulièrement ses chapitres 1, 2 (à partir duquel on peut tirer l’idée d’une conscience fétichiste du « sujet-automate » chez Rockefeller), 5 (l’importance méconnue du pétrole dès la 1ère guerre mondiale), 7 (naissance de l’Irak moderne), 10 (le pétrole au cœur de la 2ème guerre mondiale), 15 (le pétrole au cœur du néo-colonialisme français), 17 (le pétrole au cœur de la guerre d’Algérie et de celle du Biafra), 29 (autour des dernières années).
S’il s’agit donc d’un passionnant ouvrage d’histoire (critique) du pétrole, premier secteur du capitalisme mondial, premier responsable du dérèglement climatique, et si l’on trouve effectivement quelques réflexions générales au sujet de la société du pétrole (Chapitres 18, 26) inspirées des « technocritiques » [Jarrige] et de la décroissance, on pourra néanmoins déplorer un cadre théorique relativement pauvre, altercapitaliste (fondé sur une compréhension du capitalisme comme un groupe d’individus avides, cupides, malfaisants) et décroissant (n’offrant donc pas d’autre perspective de sortie de crise climatique qu’un altercapitalisme décroissant [une autre perspective]), et un manque de rigueur historique au niveau des sources. On pourra également critiquer une absence d’analyse des structures capitalistes et de leurs dynamiques, d’où une possible (tendancielle ?) lecture conspirationniste de l’histoire du pétrole, fréquente dans ce genre d’ouvrages, et ce particulièrement au niveau des chapitres 2 et 3 (où Rockefeller semble être un personnage omnipotent), 8, 13 et 14 (où on pourrait penser que le capitalisme pétrolier, c’est avant tout des complots), sans compter une interprétation conspirationniste de la création de la Réserve fédérale américaine au chapitre 4 [contre une interprétation « marxiste »]. En somme, un ouvrage fournissant d’utiles et de passionnantes informations au sujet de l’histoire du pétrole, mais qu’il faudrait lire avec un cadre théorique davantage marxien et avec une certaine prudence vis-à-vis des sources et de certaines analyses.
A. Paris