Tassadit Imache – Des cœurs lents
Dans un style limpide et allusif, Tassadit Imache raconte l’histoire d’un malaise familial, fenêtre ouverte sur un malaise sociétal et identitaire, broyant l’individu derrière le spectre de la catégorisation sociale. Sur fond de tragédie et par lentes poussées congestionnées des cœurs, le lien du sang aimante les fragments d’un noyau familial qui, comme un puzzle insoluble, semble combler tant bien que mal les fantômes de son passé. Roman psychologique sur trame sociale, l’écriture des Cœurs lents est une mosaïque d’ellipses narratives et de photographies sensibles, une caméra qui balaie l’horizon des personnages et du temps avant le dé zoom final.
Comme des feuilles, les personnages se froissent, se replient ou se déploient à leur façon, cherchant la lumière ou l’humidité, ne pouvant couper le lien qui les unit au sol par le tronc et les racines. Ces feuilles qui finissent par se détacher pour venir nourrir le sol délavé par le temps.
Comme l’huile dans l’eau, la question de l’identité reste insoluble et si certains choisissent de se définir par la frontière, le soluté ou le solvant, d’autres voient la solution dans un tout englobant le contenant et le contenu. L’identité rhizomatique, concept cher à Edouard Glissant, trouvera dans ce récit une illustration sensible.
Assailli par le morne étiquetage social, l’individu se retrouve mis en rayon et on donne une valeur à son identité. Ainsi, même quand le stigmate ne colle pas à la peau, il s’insémine insidieusement dans l’esprit jusqu’à modifier la perception de soi. Cependant, là où Eric Zemmour voudrait passer du Round-up, l’identité reste une flore foisonnante.
La portée politique de cet ouvrage n’est donc pas à chercher au détour d’un sens caché, mais irrigue ses pages, distillée dans l’encre de l’auteure et la quête de sens des personnages.
Victor Campagne