Nicolas Bonanni – L’amour à trois. Alain Soral, Eric Zemmour, Alain de Benoist
Nicolas Bonanni, L’amour à trois. Alain Soral, Eric Zemmour, Alain de Benoist, Grenoble, Le monde à l’envers, 2016
Une très bonne introduction aux sinistres théories d’Alain Soral, d’Alain de Benoist et de Zemmour en moins de 40 minutes de lecture : voilà ce qu’a réussi Nicolas Bonanni dans ce court ouvrage d’une soixantaine de pages. Nettement plus clair politiquement qu’un Alexis Escudero et son glissant La reproduction artificielle de l’humain publié aux mêmes éditions, Nicolas Bonanni ne dit certes pas tout, et il a une théorie critique du capitalisme (et du patriarcat, et du racisme comme système) encore insuffisante, mais il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un remarquable ouvrage, surtout relativement à sa rapidité et sa facilité de lecture.
L’amour à trois commence par une anecdote ordinaire, celui d’une fascination de jeunes adolescents (notamment musulmans) pour Alain Soral et sa théorie du complot suite aux attentats de Charlie Hebdo, troublant (en tout cas, dans sa mise en scène narrative) notre auteur, enseignant dans un lycée professionnel de banlieue, qui en était resté aux années 1990 et une facile disqualification du Front National (où Soral est allé de 2005 jusqu’en 2009). Il relate ensuite cette explication d’Alain Soral au sujet de son passage du FN : « J’y suis allé pour faire évoluer le seul parti que je croyais encore indépendant des puissances d’argent et des réseaux. Évoluer sur deux points : un, la question sociale. Deux, la question de l’Islam que je ne confonds pas avec la question de l’immigration […]. Sur le premier point, je pense y être arrivé. Aujourd’hui, avec Marine et Philippot, le FN a rompu avec ses fascinations libérales et son anti-étatisme incohérent : un État-nation passe par un puissant corps de fonctionnaires », et notamment de flics (qu’apprécie particulièrement Soral) et de militaires. Une apologie du capitalisme national et de l’État dirigiste, donc.
Après avoir parlé de Zemmour qu’on ne présente plus, il tente d’expliquer une phrase de Soral selon lequel « 90 % du bouquin de Zemmour [Le Suicide français], c’est Comprendre l’Empire [son propre livre] ». Pour Bonanni, l’explication est relativement simple : c’est qu’ils lisent l’un comme l’autre Alain de Benoist (fondateur du GRECE et de la Nouvelle Droite) et sa revue Éléments : « Moins connu que Soral et Zemmour, c’est pourtant ce troisième homme qui fournit l’infrastructure intellectuelle » (p. 9). L’explication est sans doute un peu courte, mais il est vrai qu’il y a sans doute une matrice commune aux écrits de Zemmour et de Soral : mais cette matrice n’est pas qu’Alain de Benoist, c’est de manière large l’ensemble des productions intellectuelles de l’extrême-droite (et ce qui est récupérable ailleurs) depuis deux siècles (Soral s’inspire des antisémites du 19ème siècle, par exemple), c’est également une même position sociale de défenseurs de leurs privilèges patriarcaux, racistes, nationales, et c’est enfin une même adhésion aux fétiches de la race, de la nation, de la tradition (sur laquelle revient Bonanni) et de la communauté.
Une brève histoire du monde
La vision du monde commune au « trouple » (et il y en aurait d’autres : Dieudonné, Francis Cousin, etc.) ? La décadence (grand thème de l’extrême-droite [Alain Bihr, L’actualité d’un archaïsme]) « d’une société traditionnelle, rigide, patriarcale, à une société moderne, liquide, égalitaire ». Soral parle d’un basculement « de la société du don à la société de l’argent », « de la noblesse à l’usure » (deux termes fréquemment accolés aux « Juifs »), et dénonce « l’Empire », c’est-à-dire « la Banque », la « Grande Banque » comme « pouvoir politique caché », dans une vision conspirationniste, structurellement antisémite, et altercapitaliste-étatiste (puisqu’il dénonce uniquement le capital « dans sa forme la plus parasitaire – anti-industrielle et financière ») de l’histoire. Zemmour, lui, fait remonter cette décadence à une date plus récente, grand admirateur de de Gaulle (lequel appréciait d’ailleurs beaucoup Charles Maurras, figure phare de l’extrême-droite du 20ème siècle, comme Zemmour) qu’il est : après 68, date d’une « révolution nihiliste parfaite » et d’une « déconstruction joyeuse, savante et obstinée des moindres rouages qui avaient édifié la France ». Zemmour dénonce également une euthanasie des « bons », « les paysans, les petits commerçants et les ouvriers [blancs] », dans une veine poujadiste, au profit des « mauvais », « banquiers » et autres « ouvriers chinois ». Zemmour invoque ensuite Freud et sa psychanalyse patriarcale dans éloge funèbre du patriarcat d’antan : « Le père incarne la loi et le principe de réalité contre le principe de plaisir. Il incarne la famille répression qui canalise et refrène les pulsions des enfants pour les contraindre à se sublimer » « À partir du moment où la puissance paternelle est abattue par la loi, le matriarcat règne. L’égalité devient indifférenciation. Le père n’est plus légitime pour imposer la loi. Il est sommé de devenir une deuxième mère ». Et bien beaucoup de « deuxièmes mères » continuent de violer et de battre des « premières mères », étrangement… Zemmour poursuit : « Nous revenons peu à peu vers une humanité d’avant la loi qu’elle s’était donnée en interdisant l’inceste : une humanité barbare, sauvage et inhumaine » : rien moins que ça ! Et Zemmour de finir sur un raisonnement tordu : « Le patriarche est un piètre consommateur. Il faut détruire la virilité en l’homme pour que naisse et prospère sa fonction consommatrice ». Les hommes ultra-virilistes sont-ils donc de mauvais consommateurs ? Ils consomment pourtant beaucoup de livres achetés chez Kontre Kulture (maison d’édition d’Alain Soral) et de matériel survivaliste (qu’Alain Soral vend également à un prix d’or), lui répondra-t-on avec ironie…
Les divergences entre ces trois-là apparaissent cependant déjà au niveau stratégique : Zemmour semble fataliste avec son constat « la France se meurt, la France est morte », et se résigne puisqu’ « il y a des logiques implacables qui s’imposent à nous » ; de Benoist préconise une stratégie gramscienne de contre-hégémonie intellectuelle ; enfin Soral en appelle à un populisme transversal d’alliance des conservateurs catholiques et des classes populaires.
La femme est un sous-homme comme les autres
Bonanni clarifie (quoiqu’assez imparfaitement) assez rapidement son opposition au virilisme effréné du trouple : « Un profond mépris pour les femmes […] sous-tend toute la pensée du trouple. Pour eux, les êtres humains sont largement déterminés par le sexe auxquels ils appartiennent et par les pulsions sexuelles qui en découlent mécaniquement » (p. 18). Zemmour a d’ailleurs commis un ouvrage immonde à ce sujet, Le premier sexe, comme Soral dans Vers la féminisation ?, dont Bonanni nous fait partager des savoureux (à vomir) extraits : « Le besoin des hommes de dominer […] pour se rassurer sexuellement. Le besoin des femmes d’admirer pour se donner sans honte » (Zemmour) ; « Les organes reproducteurs constituent chez la femme une cavité importante située au beau milieu d’elle-même [sic]… D’où l’idée que sa plénitude lui viendra d’un apport physique extérieur, comme un vide intérieur qu’il lui faut faire remplir […]. Par ailleurs, son plaisir à la fois plus infime (c’est elle qui reçoit), naturellement parent de la douleur et du traumatisme (jouir de se faire pénétrer par un objet qui pourrait lui faire mal), entraîne la femme dans une relation plus complexe à son propre désir » (Soral) [d’où, chez Soral, une justification du viol : pour plus de détails, lire Vous avez dit Soral ?] ; « La femme n’ayant pas par son corps le même désir de pénétrer l’objet, sa volonté d’analyse (pénétration sublimée) est forcément moindre que chez l’homme où : le pénis (pénétration), le manque d’être dû à l’absence de fonction immédiate du corps masculin (n’enfantant pas, il ne produit naturellement rien), et l’interdit de l’inceste qui barre son désir de retour à la mère, le poussent triplement à la conquête ». Si Soral est dans une métaphysique psychanalysante digne du PMU, De Benoist n’est guère plus fin : « L’homme pénètre et la femme est pénétrée, ce dont il résulte une symbolique évidente ». Soral poursuit : « La femme est fondamentalement sans vision politique et sans projet social, donc [accepte] comme nature, voire indépassable, le système en vigueur […] [C’est justement] parce que la femme est plutôt l’être du désintérêt politique […] que l’oligarchie a choisi d’en faire le relais privilégié de son pouvoir ». Les femmes révolutionnaires (au cœur des journées d’Octobre 1789, de l’insurrection spartakiste et de tant d’autres) et émeutières, les féministes, toutes ces actrices de l’histoire des luttes sociales sont occultées, et « la femme » devient un nouveau « Juif ». Nicolas Bonanni a une explication simple, mais efficace : « Pourquoi cette apologie ridicule de la virilité ? […] Elle leur sert à toucher des gens qui manquent de reconnaissance sociale […], sans parler des ruptures amoureuses pas digérées. Seulement des mâles, certes, mais c’est tout de même un bon créneau » (pp. 19-20). Il y a de ça, certainement : mais il y a surtout et plus généralement un appel à une défense des privilèges patriarcaux. Bonnani manque d’une analyse allant davantage aux racines du patriarcat, mais c’est déjà ça.
L’identité indépassable
Après une première scène de théâtre assez drôle, Bonanni rappelle l’importance centrale de « l’identité » au sein des théories du trouple. Il rappelle qu’Alain de Benoist fut un grand promoteur du passage du racisme biologique au racisme culturaliste dans l’extrême droite (même si, en réalité, les deux s’interpénètrent historiquement et ne se succèdent pas de manière rigide), racisme culturaliste tout aussi essentialiste, réifiant, transhistoricisant, mais se parant des oripeaux du culturalisme « degôche ». La « Culture » devient un concept clé d’une vision du monde où il n’y a pas d’humanité mais seulement des cultures statiques, homogènes en interne et radicalement hétérogènes entre elles. Bonanni, face à ce racisme culturaliste, développe plutôt une vision constructiviste de l’histoire, même si c’est de manière (trop) timide.
Quelques mots sur le complotisme et l’antisémitisme de Soral
Les « 10 % » de désaccord entre Zemmour et son compère Soral, où sont-ils ? Soral répond, en comparant Le Suicide français et son propre livre : « Il n’y a que la conclusion qui diffère. C’est qu’à la fin il dit : « Le problème c’est l’Islam et les musulmans » ». Zemmour est en effet tenant d’un gaullisme anti-américanisme et d’un racisme anti-musulman. Soral, au contraire, valorise un islam « patriote » et viril, et professe plutôt un antisémitisme délirant (« caste cachée, officieuse et maudite, accumulation progressivement dans l’humiliation la richesse de l’usure ; énorme moyen par ailleurs de corruption et de domination »), marqué par une « réduction du capitalisme à des individus, des réseaux, des familles, des clans, des tribus, des communautés, des minorités agissantes, des lobbies ethno-confessionnels et des solidarités occultes » (p. 31) : définition même de l’antisémitisme structurel (lequel peut également avoir comme cible, comme chez Eric Zemmour, les musulmans). Petit bémol, outre l’absence d’une théorisation claire de l’antisémitisme structurel (et son rôle comme idéologie contre-révolutionnaire de conservation du capitalisme) : au passage, Bonanni assimile trop vite de Benoist aux positions de Zemmour au sujet de l’islam, contre Soral, alors qu’il a une position relativement distincte.
Le capitalisme est un système de valeurs
L’ « anticapitalisme » (en réalité, un altercapitalisme, surtout pour Zemmour et pour Soral) du trouple est, pointe justement Nicolas Bonanni, un « anticapitalisme tronqué [l’utilise-t-il au sens de la critique de la valeur ?], essentiellement symbolique. Ce qui caractérise la critique de droite du capitalisme, c’est l’idéalisme […]. Et même lorsqu’aux grandes heures du fascisme la droite a su mobiliser des masses, sa prétendue lutte contre « le Grand Capital » est restée purement symbolique. Quelles que soient ses proclamations, elle n’a pas pour but de défaire l’exploitation, l’aliénation et l’impérialisme, mais de réenchanter le monde capitaliste avec une dose de « valeurs », de religion et de moral, c’est-à-dire d’ajouter une aliénation à une autre » (p. 34). « Symbolique », peut-être, mais alors au sens de Marx selon lequel « lorsqu’une théorie s’empare des masses, elle devient une puissance matérielle » : méfions-nous du caractère seulement prétendument « idéologique » de l’extrême-droite. Quoiqu’il en soit, il est vrai qu’il n’y a jamais eu de lutte anticapitaliste d’extrême-droite, et que celle-ci est clairement idéaliste. La définition du capitalisme de l’auteur est un peu courte (« système techno-économique ») et ses propositions d’oppositions un peu légères (« en construisant des solidarités, en faisant grève, en bloquant des grands projets d’infrastructures »), néanmoins. L’auteur rappelle néanmoins l’alternative manichéenne proposée par ce trio infernal : « vision juive du monde » contre « vision helléno-chrétienne » pour Soral, « rouleur compresseur américain » contre « vision du monde française » pour Zemmour, et enfin « égalitarisme monothéiste » contre « culture européenne des origines » pour de Benoist.
Mai 68 ou la décadence
Après une deuxième scène de théâtre drolatique, l’auteur revient sur un thème commun : une haine de 68. Zemmour : « Les révolutionnaires de Mai 68 [ont utilisé] la langue marxiste, pour accoucher d’une révolution capitaliste […]. Mai 68 fut une révolution inédite et surprenant : pour la première fois dans l’Histoire, la habituels perdant l’emportaient. Les anarchistes prirent leur revanche sur les staliniens, les libertaires sur les autoritaires, […] les communards sur les versaillais […] C’est la gauche libérale et libertaire qui l’a emportée sur la gauche ouvriériste ». Soral affirme quelque chose de semblable : Mai 68 serait une révolution capitaliste libérale-libertaire, et non un soulèvement (certes confus) contre cette société de merde. Ici Bonanni rétablit avec justesse l’importance du situationnisme : « S’il fallait chercher un courant de pensée symbolisant 68, ce ne serait pas l’anarchisme, mais plutôt les situationnistes, un groupe d’artistes issus du marxisme, sous forte influence libertaire, et qui n’avaient rien de libéraux. Le marxisme des situationnistes n’était pas celui du Parti communiste, mais celui de « l’ultragauche » : une féroce critique des bureaucraties syndicales et des partis car « ceux qui parlent de révolution et de lutte de classes sans se référer explicitement à la vie quotidienne, sans comprendre ce qu’il y a de subversif dans l’amour et de positif dans le refus des contraintes, ceux-là ont un cadavre dans la bouche » [Vaneighem, Traité de savoir-vivre] » (p. 43). Bonanni rappelle que Mai 68 ne fut pas une révolution réussie, malgré ses effets de transformation subjective, ses conquêtes et ses continuations (mouvement féministe), mais une révolution ayant finalement échouée, hélas, n’en déplaise au trouple. Cependant, « le récit de Zemmour sur Mai 68 comme révolution libérale-libertaire fonctionne bien car il rencontre celui d’un grand nombre d’ex-gauchistes. Pour masquer leurs échecs ou leurs retournements de veste, ceux-ci avaient tout intérêt à (se) raconter des histoires et à se draper dans l’héritage de 68, à faire comme si les années 1980 libérales n’étaient que le prolongement des années 1960-1970 libertaires » (p. 44). Bonanni finit par une (trop) timide disqualification du concept de « libéral-libertaire » (concept épouvantail de l’extrême-droite et du confusionnisme), en rappelant que ce qu’il y a de plus intéressant au sein du mouvement révolutionnaire est justement l’anticapitalisme libertaire.
La tradition contre la modernité
Le trouple ne se contente pas d’une disqualification de Mai 68 : il rejette également l’ensemble de « l’héritage des Lumières » (et même jusqu’aux penseurs post-socratiques et au christianisme avec de Benoist !). En raison de « vagues de féminisation et d’universalisme postchrétien » (Zemmour), nous serions dans une société où « les femmes s’affirment égales aux hommes, les étrangers se croient chez eux chez nous, […] et l’argent fait régner partout « l’équivalence marchande » contre les singularités culturelles » (p. 48). Le trouple fulmine contre un « universalisme » négateur des « identités » irréductiblement différentes : pour de Benoist, « les cultures sont tellement différentes les unes des autres, qu’aucune valeur universalisable, aucun jugement de valeur n’est possible, pas plus que les échanges ou les métissages » (p. 49). Loin de nous l’idée qu’il faut reprendre de manière acritique l’universalisme des Lumières : il faut aller au-delà des Lumières [émission], ou comme dit Bonanni, faire une auto-critique de la Modernité à partir d’elle-même et non d’une autorité transcendante. Bonanni s’accroche néanmoins à une notion de « nature humaine » dont on doute qu’elle puisse nous aider dans cette critique du trouple : il vaudrait mieux parler de « subjectivité vivante » (Henry), notion moins essentialiste, plus individuelle et plus dynamique, comme commun universel aux êtres humains, ou même éventuellement d’ « humanité ».
Voyage au bout de la droite
« L’enjeu pour cette nouvelle extrême droite réactionnaire, c’est de séduire plus loin que les terres classiques de l’extrême droite […] Son credo, c’est d’affirmer que « le clivage droite-gauche s’est littéralement évaporé au contact de la mondialisation » [Zemmour], et au profit d’une opposition entre « le peuple » et « les élites »… S’il a jamais eu un sens car « les révolutionnaires de tous bords seront toujours plus proches les uns des autres qu’ils ne pourront jamais l’être des réformistes de leurs camps [de Benoist] ». C’est un raisonnement typiquement confusionniste, visant à une confusion de positions hétérogènes (qu’y a-t-il de commun entre un libertaire anti-patriarcal et un fasciste partisan d’un coup d’État ?)
Le tour d’horizon des droites de l’auteur n’est guère extraordinaire (il reste trop schématique avec sa « droite bonapartiste » comme père du fascisme et de la droite révolutionnaire : le Parti fasciste italien a lui-même démis Mussolini de ses fonctions en 1943), mais il caractérise assez bien d’où viennent respectivement Soral, Zemmour et de Benoist : Zemmour vient de l’extrême-droite réactionnaire, pessimiste, monarchisante ; de Benoist est un grand confusionniste, étayant ses théories réactionnaires avec des citations de théoriciens « degôche » ; et enfin Soral est un nostalgique du catholicisme mais surtout un promoteur du national-socialisme. Ils ont cependant un ennemi commun, l’idée même d’égalité [Alain Bihr, L’actualité d’un archaïsme], et font communément l’apologie de l’inégalité « naturelle ». De Benoist oppose aux valeurs « égalitaires » du christianisme ([sic] lorsqu’on connaît Saint-Paul et ses textes patriarcaux…) celles héroïques du paganisme. Pour Alain de Benoist, comme pour Francis Cousin, l’égalité, c’est l’indistinction, et cette dernière serait une pulsion de mort.
L’idéologie rejoint les calculs électoraux
Marine Le Pen s’inspire de certaines des thèses du trouple (elle est d’ailleurs proche de membres d’E&R et du GRECE), ce qui est visible notamment dans ce discours : « Non, la consommation ne peut être l’alpha et l’oméga de nos existences [comprendre Arbeit Macht Frei !] […]. Non, nous ne voulons pas d’une société où l’avoir est plus important que l’être [du titre d’un bouquin de Francis Cousin], où l’argent érigé en absolu est devenu une fin en soi, le critère principal d’appréciation de l’homme ». Devant cette reconversion du FN dans un altercapitalisme étatiste « social » et moins explicitement antisémite, Bonanni finit par un (sommaire) appel à un renouveau de la lutte anti-FN.
L’ouvrage finit notablement par une dernière scène de théâtre (un concept intéressant, encore une fois) où sont mis en scène, en plus des trois lascars, des manifestants et des zadistes les interrompant, et chantant La Makhnovchtchina (on appréciera cette référence libertaire) et L’hymne des femmes (on appréciera cette référence féministe, surtout venant d’un auteur d’une maison d’édition ayant jadis publié un auteur glissant).
En bref, un ouvrage qu’il est intéressant d’offrir à des personnes lisant peu (ou ayant peu de temps) et ayant une maigre connaissance de ces trois auteurs (et de leur danger), tout en ayant conscience de ses limites.
A. Paris