Les émissions

Au-delà de la démocratie directe, pour une critique libertaire du démocratisme

La « démocratie représentative », c’est-à-dire l’État capitaliste parlementaire bourgeois, n’a plus de légitimité chez une part grandissante des gens, d’où un engouement toujours plus fort des déçu-e-s pour un mot d’ordre, celui de « démocratie directe ». Le mot d’ordre de « démocratie directe » peut être effectivement une étape vers une critique émancipatrice des hiérarchies et de l’État, et témoigne assez souvent (pas toujours, l’extrême-droite s’en servant de plus en plus comme cheval de Troie de diffusion de ses idées, à l’instar des confusionnistes comme Chouard) d’une authentique volonté d’égalité réelle. Les « assemblées générales » (AG), sa matérialisation, sont souvent nécessaires dans une lutte, et il faut s’assurer d’une non-reproduction des hiérarchies sociales et des inégalités dans nos luttes sociales et dans nos collectifs militants. Mais est-elle pour autant anti-étatiste, libertaire, anti-capitaliste ? Est-elle vraiment l’unique moyen d’organisation d’une lutte ? Est-elle seulement un bon moyen de lutte ? Est-elle un horizon souhaitable ? Les réponses de Léon de Mattis, auteur d’un chapitre là-dessus dans Misère de la politique. L’autonomie contre l’illusion électorale (éditions Divergences, avril 2017).

Une émission avec, tout d’abord, une critique du formalisme démocratiste, de son fétichisme de la politique comme instance séparée, de sa non-remise en cause de l’État, des classes et du capitalisme, d’où une critique de la démocratie athénienne [1ère partie, 40 minutes]. Dans un second temps, une critique de la démocratie directe comme frein à une intensification des luttes sociales et, potentiellement, comme mot d’ordre confusionniste contre-révolutionnaire [2ème partie, 20 minutes]


Liens

Émissions précédentes avec Léon de Mattis

Article de Léon de Mattis sur ce qu’il propose en substitut au démocratisme

http://www.leondemattis.net/?2016/05/03/81-les-mesures-communistes

Critique des assemblées générales

https://www.infokiosques.net/spip.php?article946 

Extrait de Vivre la commune du Comité érotique révolutionnaire sur ce sujet :

   « La politique parlementaire, chassée par l’AG, revient par l’AG. Lorsque l’auto-organisation quotidienne d’une révolte se transforme en alter-parlementarisme, en votationnisme, en alter-politique séparée, c’est qu’elle est en échec. L’alter-parlementarisme, c’est reproduire l’espace séparé du Parlement, dans lequel sont votées collectivement des propositions de gouvernement du capitalisme. Le votationnisme, c’est tout voter de manière procédurière sans laisser d’espaces aux initiatives autonomes, spontanées ; mais surtout, voter des propositions électorales en devenir. L’alter-politique, c’est l’éternel retour d’une politique séparée, séparée de nos désirs érotiques de révolte, séparée des autres révoltes, séparée de notre vie quotidienne irrémédiablement soumise au capitalisme.

*

   La politique, plutôt que d’être vécue comme mise en mouvement collective de nos puissances d’agir, s’éloigne dans une représentation, dans l’assemblée comme spectacle, comme simulacre auto-référentiel, de la vie collective. Elle se reconstitue ainsi sous forme d’un espace séparé, en représentation théâtrale, au détriment d’un agir révolté et de la construction d’imaginaires émancipés du capitalisme. Elle accepte qu’à côté d’un micro-espace de décision collective et d’auto-organisation existe un macro-espace d’impuissance collective et d’organisation hétéronome, qu’il s’agirait potentiellement in fine de conquérir électoralement.

Pas de décisions, pas de révolte, pas d’auto-organisation en dehors des places : voilà ce vers quoi nous mène l’alter-politique et son « paradis » séparé. Au lieu de détruire la politique en tant que sous-système capitaliste, on se contenterait ainsi de « jouer à la démocratie » dans un théâtre global demeuré inchangé.

L’alter-politique joue au parlementarisme autogéré, transformant tendanciellement nos envies en programme électoral, nos prises de parole en votes. La place de la Commune elle-même se reconfigure en fonction de cette optique alter-politique : elle devient un espace refermé sur lui-même. Dans de nombreuses villes, Nuit Debout n’est pas un point de départ des révoltes, mais un point d’arrivée, un état stationnaire, le cadavre de nos insurrections. La critique de l’assembléisme n’en est pas pour autant un appel à un abandon des places ou une dissolution de toute assemblée. Pour que la politique cesse d’être une alter-politique séparée de nos vies, l’assemblée doit cesser de se faire Assemblée. Qu’elle lie les subjectivités jusqu’ici fragmentées dans des luttes réformistes sectorielles, qu’elle mue celles-ci en révoltes auto-organisées agissant de concert contre ce monde, en blocage généralisé de l’économie.

*

   L’assemblée réunit des individus séparés au quotidien, mais elle réunit ceux-ci en tant que séparés. L’AG, au détriment d’une construction collective, sert en partie d’exutoire aux frustrés de la parole venus régurgiter leurs opinions et leurs indignations personnelles. Les commissions démocratistes tournent au dialogue de sourds où chacun vient promouvoir son prêt-à-penser idéologique personnel, ou pire à une communion fusionnelle des victimes lobotomisées des vidéos confusionnistes ou altercapitalistes. Bref, un agrégat d’individus plutôt qu’une réunion de communiers, spectateurs séparés de leur propre spectacle.

Contre cette tendance, retrouvons-nous, créons des relations amicales et politiques. En assemblée, nos relations restent non-directes, médiatisées, avec l’Assemblée comme intermédiaire obligé. Se retrouver, c’est au contraire créer des relations immédiates, amicales, sans structure intermédiaire en-dehors de nous (travail, politique, spectacle…), mais « politiques » parce qu’auto-organisées, révoltées, dirigées vers une société émancipée. »

 

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