L’informatique, stade suprême du capitalisme, fossoyeur de l’humanité-travail
Une émission d’avril 2016 d’analyse et de critique radicale de l’informatique comme agent d’une mutation anthropologique, comme fossoyeur technologique de l’humanité-travail, comme système technique de l’ordinateur (machine ayant comme spécificité de pouvoir faire n’importe quoi), comme stade suprême du capitalisme – avec Éric (informaticien, critique de l’informatique)
Introduction de l’émission
Alors qu’une opposition forte au projet de loi-travail s’attaque à un ultime approfondissement de cette servitude constitutive du capitalisme qu’est le travail-marchandise, voire remette en cause directement celui-ci, quelques chercheurs (collectif Indépendance des Chercheurs) tentent – maladroitement d’ailleurs – d’attirer l’attention vers l’automatisation-robotisation du procès productif, c’est-à-dire vers une substitution tendancielle du « travail vivant », des travailleurs, par des facteurs de production technologiques. Cette substitution est déjà responsable d’un chômage technologique massif et d’une crise corollaire du capitalisme (puisqu’il y a moins de consommation solvable, là-dessus on écoutera notre émission avec Jean-Luc Debry), et irait jusqu’à une suppression de 48 % des emplois d’ici 2030 selon plusieurs sources. Cette technologisation, de plus, entraîne une intensification-accélération du travail concret restant aux travailleurs vivants – soumis aux rythmes croissants des forces technologiques de production déchaînées –, et sa précarisation – puisqu’une force de travail moins productive et moins rentable relativement aux machines se déprécie, perd de sa valeur. Cette force technologique de substitution du travail vivant, précipitant une crise du capitalisme et du travail et une intensification-précarisation de ce dernier (notamment au travers de l’évaluation individuelle des performances et d’une guerre de tous contre tous organisée en interne des entreprises entre atomes-travailleurs munis de leur Personnal Computer – lequel permet tout cela), cette force motrice des transformations et des destructions des 40 dernières années, c’est l’informatique au sens large. Et celle-ci ne se contente pas de ces bouleversements : elle est une base centrale du déferlement numérique, de l’invasion des ordinateurs, des tablettes, des smartphones, des nouvelles télévisions, des liseuses et autres marchandises engendrant des transformations de l’ampleur d’une mutation anthropologique : destruction accélérée des relations sociales remplacées par des connexions virtuelles, désensualisation des rapports à soi, au monde et aux Autres, invasion généralisée du Spectacle médiatique et sa propagande capitaliste, façonnement des subjectivités comme sujets capitalistes, travailleurs, consuméristes, isolés-séparés, soumis à un « patriarcat diffus » et à des normes imposées d’en haut, et se concevant comme avatars, comme des marques devant se mettre en spectacle et se vendre à chaque instant, etc. (Là-dessus, on lira Cédric Biagini, L’emprise numérique, aux éditions L’échappée, et l’article de Robert Kurz « L’industrie culturelle au 21ème siècle »). L’informatique n’est donc pas qu’un avatar suprême des forces productives du capitalisme, c’est également un avatar suprême du Spectacle avec un S majuscule, celui de Guy Debord. Pour discuter de ce déferlement informatique au sein du procès productif et en-dehors, nous sommes avec Eric, critique du fétichisme informatique, informaticien depuis 20 ans, pour discuter de l’informatique, nouvel avatar du capitalisme, de l’expansion des techniques numériques, de leurs rapports aux catégories capitalistes et de leur contribution à la crise du travail, du capitalisme et sa financiarisation de survie. Mais d’abord, est-ce que tu peux nous expliquer ce qu’est l’informatique ?
Ouverture d’Éric, après l’émission
L’ordinateur, système technique de l’informatique, étant une machine pouvant faire a priori n’importe quoi, il est matériellement adéquat au capitalisme, lequel est une production de n’importe quoi pourvu qu’il s’agisse de marchandises valorisables. Dans une société post-capitaliste, pour répondre à des besoins particuliers, nous utiliserons des outils particuliers, pas une machine pouvant faire n’importe quoi.