Les émissions

Ingénierie, architecture productive moderne et perspectives communistes de reconfiguration

Une émission sur l’ingénierie, la division technique du travail productif, ce que son analyse nous apprend sur l’architecture productive moderne et les perspectives communistes de reconfiguration de cet appareil productif, à partir de textes récents de Nick Chavez. Émission enregistrée à la Parole Errante avec Tom, ingénieur de métier et membre de l’équipe de sortir du capitalisme.


Une première partie (55′) qui contient :

  • une présentation générale des motivations de l’émission, des thèmes centraux et des articulations entre les trois textes de Nick Chavez, et de son ambition générale à travers du concept de design for manufracture
  • une caractérisation générale des ingénieurs comme soumis à la domination abstraite du capital mais également agents de cette domination, avec notamment une polarisation des connaissances et une concentration de l’expertise technique entre les mains des ingénieurs [11′ ]
  • une discussion sur les différentes fonctions et types de métiers exercés par les ingénieurs, notamment par les ingénieurs dits « de production » (ou process) [17′] ; ingénieurs qui ne sont pas forcément conscients d’être des vecteurs de la domination capitaliste [28′] ; et dont le métier lui même se transforme et s’appauvrit, avec l’exemple des mutations du métier d’ingénieur conception [30′], au point que le capitalisme peut apparaître comme une entrave à la bonne réalisation du travail [34′]
  • une description sur la manière dont les impératifs du capital se traduisent concrètement dans le travail de conception d’une marchandise [37′], avec un antagonisme entre la division du travail d’ingénierie et la nécessité d’une vision transversale du processus de production
  • une brève discussion sur les idéologies qui traversent l’ingénierie [44′]
  • enfin, une catégorisation du système productif moderne en deux archétypes « low mix, high volume » et « high mix, low volume » qui, chacun, ont leur propre stratification technique [45′] et offrent des potentiels de reconfiguration différents discutés plus en détail dans la seconde partie de l’émission.

Une deuxième partie (54′) qui contient:

  • une critique de beaucoup d’approches utopiques comme aveugles aux questions productives, d’où le travail de Nick Chavez afin de disposer d’abord d’une compréhension adéquate de l’architecture productive moderne [3′ / 58′ dans la version complète]
  • une discussion sur l’intérêt « stratégique » de la catégorisation high mix/low mix dans une optique de reconfiguration révolutionnaire des moyens de production [5′ / 1h05′ dans la version complète ]
  • une discussion sur le potentiel de reconfiguration communiste-révolutionnaire de l’appareil productif moderne, avec l’hypothèse de l’apparition de rapport sociaux « d’inter-dépendance sans domination » contre les alternatives purement localistes [16′ / 1h12′ dans la version complète], sans fétichisme de la « petite » ou de la « grosse » production [19′ / 1h14′ dans la version complète]
  • un approfondissement sur l’idée de rapports sociaux d’inter-dépendance sans domination, notamment sur les modalités délibératives et/ou démocratiques et contre un démocratisme naïf [29′ / 1h25], et sur la place non privilégiée de l’expertise technique dans une société non-capitaliste [35′ / 1h30]
  • une discussion sur la révolution communiste comme nécessaire dissolution de la division du travail et de la position socialement privilégiée de l’expert, et donc de l’ingénierie sous sa forme capitaliste [40′ / 1h35], ce qui pose la question de pourquoi les ingénieurs s’impliqueraient dans une révolution ayant pour résultat l’abolition de leur position sociale privilégiée.
  • après une présentation des « raisons de la colère » des ingénieurs, une discussion critique de l’assimilation par Nick Chavez des ingénieurs à des prolétaires, à partir de la notion de classe d’encadrement d’Alain Bihr ou de classe moyenne salariée de B. Astarian et R. Ferro [42’/ 1h37], l’analyse empirique des formes d’engagement des ingénieurs en France (Shift project, désertion) analysés d’une part comme rationalisation écologique du capitalisme, d’autre part comme fuite éthique individuelle [45′ / 1h40] et les perspectives fascistes-populistes stimulées par l’expérience du déclassement.
  • Enfin, le constat que cette concentration de l’expertise dans les mains d’un nombre toujours plus réduit de travailleurs (tendance renforcée par la désindustrialisation) ne manquera pas d’être un problème pratique pour les révolutionnaires, dont on espère qu’ils ne manqueront pas de « botter le cul » des ingénieurs encore alliés au capital [51′ / 1h46]

Liens

Textes de Nick Chavez

des questions aussi variées que : l’autarcie locale vs une production globale ; les formes sociales de délibération ; la gestion de la crise climatique ; la planification négative de la production [ce que l’on choisit de ne pas produire] vs une planification par quotas de marchandise ; l’installation généralisée de tubes pneumatiques ; la théorie comme science fiction ; l’automatisation communiste comme compétition sportive

Nick Chavez peut aussi être écouté en version audio, et en anglais, dans le podcast This Machine Kills.

Nous soulignons également que le texte « Forest and Factory » est cité et (un peu) débattu dans les contributions du collectif Decomposition (découvert après l’enregistrement de l’émission). Les trois brochures (« The fate of composition », « The problem of composition » et « The cacophony of communism ») abordent des thématiques bien plus larges, notamment celle de la composition entendue d’une part comme composition de classe, d’autre part comme tactique activiste en vogue. Pour la thématique qui nous concerne ici, un intérêt de ces textes est d’attirer l’attention sur les savoirs indigènes ou vernaculaires qui auraient pu échapper à la totalité capitaliste – question non abordée pendant l’émission.

Audios du séminaire Marx mentionnés durant l’émission

Autres textes mentionnés durant l’émission

Il n’existe plus un seul type d’ingénieur de conception, il en existe au moins trois : celui qui s’occupe des méthodes de travail (ingénieur-méthodes), celui qui consolide les savoirs et techniques de son métier (ingénieur-métier) et celui en charge du développement d’un lot de projet (ingénieur-projet).

Les processus de conception orchestrent des professions, des connaissances et des techniques variées grâce à des outils informatiques puissants qui garantissent le contrôle, la qualité, ainsi que la maturation des concepts au cours de leur développement

Dans la phase actuelle des luttes de classe, l’emparement révolutionnaire des moyens productifs ne peut plus se faire comme socialisation de ces moyens, mais s’inscrit dans un procès de communisation qui implique tous les aspects de la vie sociale, pour les défaire. Cet emparement n’est pas le fait d’un prolétariat qui conserverait sa place dans un procès productif inchangé, mais celui d’une classe en train de se défaire en défaisant toutes les classes. La production matérielle capitaliste est proprement irrécupérable en tant que telle, dans son procès d’ensemble comme dans son résultat. Chaque aspect de la production présuppose les rapports sociaux capitalistes, la division du travail qui leur est propre : il n’y a aucune neutralité sociale des techniques, et cela est matériellement effectif. Les chaînes d’approvisionnement impliquant l’échange, la disproportion des machines nécessitant une alimentation énergétique continue, entretien et réparation impliquant la connexion à leur secteur productif propre, la répartition spatiale des ateliers par postes de travail interdisant la communication et la circulation, la division sexuelle du travail, tout cela sera impossible à maintenir lors de la crise révolutionnaire sans rétablir les rapports sociaux capitalistes. C’est-à-dire que la révolution se jouera aussi contre l’outil productif capitaliste, qui présuppose le prolétariat comme tel (…) d’un point de vue technique, il n’est pas certain que le communisme fasse mieux. En réalité, le communisme ne vise pas à régler quelque problème que ce soit. Il ne s’agit ni de réparer les injustices du passé, ni d’assurer les conditions de l’avenir (…) L’impossibilité de projeter dans l’idée du communisme des solutions concrètes aux problèmes écologiques n’est pas le fait d’une théorie inconséquente ni d’un « point de vue » fataliste, c’est une impossibilité réelle et une limite sur laquelle toute théorie sérieuse, actuelle, du communisme doit reconnaître qu’elle bute.

Sur le sujet des classes d’encadrement, on peut écouter ou consulter les ressources suivantes :

Sur la question de la désertion, nous avons mentionné l’ouvrage de Anne Humbert, Tout plaquer. La désertion ne fait pas partie de la solution… mais du problème, aux éditions Le monde à l’envers. Petit livre auquel Aude Vidal a consacré un petit billet sur son blog.


Crédits

Cette émission a été enregistrée dans le studio son de Radio Errante, la radio de la Parole Errante à Montreuil.

Animation : Armand Paris. Enregistrement et montage : Tom C.

La première lecture contient un extrait du podcast This Machine Kills.

La deuxième lecture contient un extrait du « Ballet Mécanique » de Georges Antheil (source)

La troisième lecture contient un extrait du morceau « Die eier von Satan » du groupe Tool.