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Pour une critique raisonnable du scientisme et du capitalisme technoscientifique – avec Bertrand Louart

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L’émission complète

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Une émission de mai 2016 de critique raisonnable du scientisme et du mode de connaissance scientifique moderne, du mythe de la « science pure » et du capitalisme technoscientifique – avec Bertrand Louart, animateur de l’émission « Racine de moins un » (Radio Zinzine), rédacteur du bulletin de critique des sciences, des technologies et de la société industrielle Notes & Morceaux choisis aux éditions La Lenteur, contributeur au blog de critique du scientisme sniadecki.wordpress.com, opposant d’ITER (Cadarache) et incidemment membre de Longo Maï où il est menuisier-ébeniste.

 

Liens

Bertrand Louart

Objectivisme inconscient. Aspects d’une critique des sciences naturelles mathématiques de Claus Peter Ortlieb

 

Introduction de l’émission

L’émission d’aujourd’hui sera consacrée à une critique du scientisme, ses avatars idéologiques et ses contre-vérités, des prétentions réalistes, totalitaires, hégémoniques du mode de connaissance scientifique, et son idéologie d’une « science pure » déconnectée de ses prétendues « applications technologiques » et du capitalisme. La science moderne, que nous définirons comme modélisation formaliste-abstraite, mathématique, totalisante du réel, sous forme de lois physiques mathématiquement exprimées (e = mc2), de systèmes cybernétiques d’abstractions réelles (cellules, molécules, etc.) et de représentations géométriques de l’espace sensible (atome, Univers, etc.), présente en effet un certain nombre de problèmes : au travers de cette modélisation du réel, elle effectue un certain nombre de réductions mutilantes (réduction du sensible au monde des lois physico-chimiques, de l’humus à sa composition chimique, du vivant à un système cybernétique), jusqu’à faire erreur sur leur sujet d’étude (en biologie particulièrement – on en discutera longuement) ; elle masque ces contre-vérités sous un vernis idéologique, celui des « idéologies scientifiques » de Canguilhem, ou alors en montrant en quoi celles-ci sont performatives, comme avec les biotechnologies contemporaines ; elle fait passer ces modélisations pour la Réalité même (et non pour des modélisations de réalité-s), et même pour une réalité supérieure à celle du réel sensible, et donc comme la seule forme de connaissance vraie-légitime du réel. La science moderne est donc une forme de connaissance tendanciellement réductionniste-mutilante, voire erronée lorsqu’il s’agit du vivant, idéologisante (puisqu’elle est systémique et qu’elle est assez abstraite, comme toute idéologie), aux prétentions « réalistes » et totalisantes abusives, et aux velléités hégémoniques. Il ne s’agit pas de sortir du mode de connaissance scientifique, mais de remettre celui-ci à une juste place, celle d’une des formes de représentations du réel sensible (à côté des représentations esthétiques, centrées autour de l’autonomie et des spécificités du vivant, etc.) ; une représentation plutôt « efficace » en termes de modélisation lorsqu’il s’agit du non-vivant (il ne s’agit pas de jeter des siècles de recherche en physique et en chimie) et aux découvertes partiellement réintégrables dans une vision vivante du vivant, mais nécessairement réducteur (surtout en ce qui concerne le vivant), potentiellement idéologique (d’où une vigilance nécessaire), non-réaliste (puisqu’elle ne produit que des modèles), ne modélisant que des réalités (et non révélant de manière totale une Réalité) et co-habitant harmonieusement avec d’autres formes de représentations. Il s’agit donc d’une (auto)critique raisonnable du rationaliste scientiste, permettant un auto-dépassement positif de celui-ci, et non d’un retour irrationaliste aux cosmologies pré-modernes. On pourrait même espérer, comme Marcuse dans Éros et civilisation, une société post-capitaliste et post-scientiste sous l’égide d’une « raison sensible et une sensibilité rationnelle », en place de l’actuelle séparation aux effets désastreux entre raison et sensibilité.

 

Introduction de notre 2ème partie

Après cette critique des prétentions et des contre-vérités du mode de connaissance scientifique, en particulier en biologie, il faut désormais s’attaquer au mythe d’une « science pure », détachée de ses soi-disantes « applications technologiques » et du capitalisme. La science moderne n’est pas détachée du capitalisme, puisqu’elle en procède idéellement (elle est une forme de connaissance analogue au capitalisme, puisque mathématisée comme lui, abstractifiante comme lui, totalisante comme lui) mais également socialement-matériellement (elle est une institution sociale financée capitalistiquement, fonctionnant avec des travailleurs spécialisés, produisant une connaissance générale mobilisable capitalistiquement – physique atomique et nucléaire permettant l’industrie nucléaire p.e. – voire même participant directement à une production de marchandises – biotechnologiques p.e. – ou de moyens de destruction de l’État capitaliste – Projet Manhattan p.e.). La science moderne, ainsi, qu’elle produise une connaissance générale potentialisatrice – c’est-à-dire rendant possible de nouvelles marchandises, de nouveaux facteurs de production, de nouvelles armes de l’État capitaliste – et/ou qu’elle participe directement à produire ceux-ci, est intrinsèquement une « force matérielle » au service du capitalisme comme disait déjà Marx dans Le Capital : il n’y aurait pas eu de bombes nucléaires, d’accidents nucléaires, de radiations massives et de déchets nucléaires sans développements théoriques-expérimentaux en physique atomique-nucléaire au 20ème siècle, pas plus que de biotechnologies (OGM, biologie de synthèse) sans génétique et sans biologie moléculaire. Et ce, sans même parler des effets idéologiques de recherches scientifiques elles-mêmes idéologiques, des justifications génétiques de l’eugénisme p.e. Il ne s’agit peut-être pas d’arrêter toute recherche scientifique, évidemment, mais de prendre conscience des effets potentialisateurs de toute recherche scientifique, et qu’au sein du capitalisme produire des connaissances scientifiques en-dehors de quelques exceptions c’est collaborer à une production de connaissance mobilisable capitalistiquement – et que, dans une société postcapitaliste, il s’agira également de prendre garde aux recherches susceptibles de générer des potentialisations négatives.

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